Une Coopération Militaire et Sécuritaire Inde-Israël Coûteuse en Vies Humaines et Facteur d'Instabilité Régionale
L'Inde a développé une coopération étroite militaire et sécuritaire avec Israël.
Abandonnant sa position de pays non aligné, elle s'est également inféodée à Washington.
En faisant appel à l'armée israélienne et à ses forces spéciales clandestines pour solutionner militairement ses problèmes au Jamnu et au Cachemire et avec le Pakistan, elle risque de le payer très cher comme l'ont prouvé les attaques de Mumbai
Une Coopération Militaire et Sécuritaire Inde-Israël Coûteuse en Vies Humaines et Facteur d'Instabilité Régionale
Le mot terrorisme étant de plus en plus utilisé pour tout mouvement de contestation aux pouvoirs en place nous le mettons entre guillemets, idem pour le mot "contre terrorisme" souvent utilisé pour des opérations de contre insurrection contre les mouvements indépendantistes ou de libération, sous la forme notamment d'opérations menées par des escadrons de la mort pour assassiner les opposants.
Dans ces opérations on retrouve souvent des mercenaires israéliens, anciens soldats des unités d'élites de l'armée israélienne, que ce soit en Colombie, en Georgie, en Irak, et au Cachemire/Inde, et peut être demain au Jamnu et au Pakistan
Le jeudi 27 Novembre, pendant les attaques de Mumbai, Imran Babar, l'un des attaquants du Centre Shabad- Loubavitch, -Centre Nariman- a appelé la TV nationale indienne utilisant le portable du co directeur du centre, le rabin Gavriel Holtzberg, qui a été tué ainsi que sa femme Rivka lors de l'assaut des forces spéciales indiennes.
Babar a fait un commentaire pouvant surprendre bon nombre de gens.
" Vous avez demandé aux personnel de l'armée israélienne de visiter le Cachemire. Qui sont-ils pour venir au J&K-(Jamnu et Kashmir- ?
C'est un problème entre nous et les Indiens, le gouvernement indien.
Qu'est ce qu'Israël a à voir là dedans ?"
Les médias se sont bien gardés de rapporter ces paroles qui pourtant expliquent en partie pourquoi le centre Nireman - qui accueillait un grand nombre de routards israéliens, souvent fraîchement démobilisés, venant y "oublier" leurs crimes, en quête de spiritualité - a été pris pour cible.
Depuis une quinzaine d'années, les jeunes Israéliens, sitôt leur service militaire terminé, vont se "ressourcer" suivant un parcours balisé, allant des montagnes du Ladakh aux plages de Palolem en passant par Dharamsala et Rishikesh, et New Dehli, plus précisément à Pahar Ganj, où on trouve de nombreux panneaux inscrits en hébreu, mais aussi à Mumbai.
Au milieu des années 2000, Daria Maoz, une anthropologue israélienne, a publié une thèse sur les routards israéliens en Inde.
Le tableau sans concession qu'elle dressait de ses compatriotes avait suscité une vive polémique :
Attitude "néo-coloniale", vie en circuit fermé, comportements bruyants et surtout mépris vis-à-vis des populations locales traitées comme des domestiques.
Si le grand public, tenu dans l'ignorance, ne comprend pas grand chose aux palabres de Babar, il n'en va pas de même à Hakirya, le "Campus" du haut commandement israélien, et au Bloc Sud, qui héberge les ministères de la défense et des affaires extérieures indiennes
En fait, ce a quoi il faisait référence ce sont les liens croissants militaires et sécuritaires entre l'Inde et Israël.
.Le 10 Septembre 2008, le Gl Avi Mizrahi, haut gradé de l'armée israélienne s'est rendu à New Dehli.
Il y a rencontré les chefs des forces armées aériennes, navales et terrestres indiens, avant de s'envoler pour une courte visite à Jamnu et au Cachemire.
Mizrahi, réputé pour son expérience militaire, a fait une conférence devant des hauts officiers de l'armée indienne sur la base militaire d'Akhnur, près de la frontière Indo Pakistanaise, sur le thème du "contre terrorisme."
-Le choix de ce lieu n'est pas du au hasard, voir information en fin d'article-.
Plus tard, à Shrinagar - capitale du Cachemire occupé par près d'un million de soldats indiens - Mizrahi et son homologue indien, Deepak Kapoor, se sont mis d'accord pour mener conjointement des activités de "contre terrorisme" incluant l'entraînement par des commandos israéliens de soldats indiens aux combats urbains.
La visite de Mizrahi en 2008 n'a rien d'extraordinaire.
Il s'était déjà rendu en Inde en février 2007.
En juin 2007, un autre haut responsable militaire sioniste, le général israélien Moshe Kaplinsky accompagné d'une équipe de hauts gradés israéliens, avaient rencontré à Jamnu et au Cachemire des hauts gradés de l'armée indienne, aux quartiers généraux du 16ème Corps à Nagrota dans la région de Jamnu près de la frontière indo pakistanaise.
Lors de cette rencontre, l'équipe de Kaplinski a discuté des problèmes d'infiltration de militants du Pakistan en Inde.
Malgré les 720 Km de barbelés, les infiltrations continuent. Kaplinsky est venu pour vendre les techniques israéliennes high tech de surveillance frontalière.
Sur le chemin du retour en Israël, l'équipe de Kaplinsky a rendu visite au commandement indien de la marine stationnée à l'Ouest de Mumbai.
En Janvier 2008, en prolongement de ces contacts, un autre haut gradé israélien, le brigadier général Pinhas Buchis s'est rendu en Inde et a rencontré des hauts responsables civils et sécuritaires.
Ils ont discuté des moyens de partager les informations collectées par les services secrets des deux pays sur les activités dites "terroristes".
Une semaine après le retour de Buchis en Israël, c'était au tour de l'amiral en chef indien, Sureesh Mehta, de passer quelques jours à Jerusalem, où il a rencontré le chef d'état major de l'armée israélienne, Gabi Ashekenazi, et Buchis.
Entre 2007 et début 2008, les trois chefs d'état major des armées indiennes se sont rendues en Israël.
Ils l'ont fait dans le cadre d'un accord passé en 2002 entre Israël et l'Inde pour créer un groupe de travail conjoint Indo Israélien sur le "contre terrorisme", l'objectif étant d'instaurer une entente rapprochée entre l'armée indienne et l'armée israélienne et de consolider le vaste commerce d'armes entre les deux pays -L'Inde est actuellement le premier pays importateur d'armes israéliennes-.
On peut d'ailleurs s'interroger sur ces allées et venues entre New Dehli et Tel Aviv et toutes ces rencontres militaro sécuritaires en lien avec les attaques de Mumbei.
Ou bien cette coopération rapprochée est totalement inefficace ou bien....
Ce rapprochement New Dehli Tel Aviv remonte aux années 90, quand le Parti du Congres au gouvernement a commencé à démanteler l'état indien centralisé et dirigiste, et a abandonné la position neutre, non alignée qui avait prévalu en matière de politique étrangère.
Ce parti a estimé qu'il était temps de réévaluer les relations Inde US, dans le contexte de l'effondrement de l'Union Soviétique proche de New Delhi, et pour se faire à penser que le meilleur moyen c'était d'initier un rapprochement avec Tel Aviv.
Washington à l'époque était plus enclin à soutenir le Pakistan, et l'Inde a parié sur le développement de ses relations avec le régime sioniste pour se rapprocher des US.
En Janvier 1992, le gouvernement indien a reconnu l'état d'Israël.
Le mois suivant, le ministre indien de la défense de l'époque, Sharad Pawar, a appelé au développement d'une coopération indo israélienne en matière de "contre terrorisme".
Le directeur général de la police israélienne, Yaacov Lapidot, s'est rendu en Inde pour participer à une convention internationale de la police, et est rentré avec de bonnes nouvelles :
le gouvernement indien voulait bénéficier de l'expertise israélienne en matière d'opérations de "contre terrorisme".
A l'époque le porte parole du gouvernement israélien, Benjamin Netanyahou, a dit au journal India Abroad (29/02.08) qu'Israël "avait développé une expertise pour s'occuper du "terrorisme" localement mais aussi internationalement, au niveau politique et légal, et serait heureux de partager celle -ci avec l'Inde".
Pendant les années de gouvernance du Parti du Congrés, le principal champ de coopération c'était celui de la vente d'armes, les achats massifs de l'Inde fournissant à Israël une stabilité dans ce domaine plutôt volatile.
Lorsque la droite indoue est arrivée au pouvoir à la fin des années 90, elle a intensifié la politique de libéralisation économique -instaurant même un ministère de la privatisation- et a fixé son attention sur l'Axe New Dehli, Washington Tel Aviv, considérant cete axe comme celui de trois puissances ayant un ennemi commun, ce qu'ils ont appelé le "terrorisme islamique", et qui allait devenir la nouvelle base stratégique de la politique étrangère indienne.
Les relations rapprochées entre le premier ministre israélien de l'époque, Benjamin Netanyahou, et L.K Advani -ministre de l'intérieur indien, un homme corrompu dirigeant de l'extrême droite indoue- ont pavé la voie à une collaboration intensive.
Advani a beaucoup d'admiration pour Netanyahou, dont le livre "Fighting Terrorism: How Democracies Can Defeat Domestic and International Terrorism" lui sert de guide en matière politique.
Il cite fréquemment des extraits de ce livre tels que : " une société libre doit savoir ce qu'elle combat", qui est " la montée en puissance du terrorisme islamique".
Advani a bâti sa politique de "contre terrorisme" sur les pratiques sionistes :
un mur à la frontière, des menaces de "poursuites chaudes" transfrontalières, rejet de négociations politiques, escalade de la rhétorique, limitation des libertés civiles et du respects des droits de l'homme lorsqu'ils s'agit de suspects d'actes d'insurrection.
Advani et Netanyahou refusent de faire la différence entre des groupuscules extrémistes souvent manipulés par des services secrets étrangers dont la CIA, et le Mossad, et les militants indépendantistes et mouvements de libération, tels ceux du Cachemire ou de Palestine.
Tous deux se réfugient derrière leur slogan du combat de la Démocratie contre le "Terrorisme", ceux défendant la Démocratie étant bien sûr les US, Israël, l'Inde, contre le "Terrorisme" islamique.
Une grossière simplification raciste, islamophobe et dangereuse.
Advani s'est rendu en Juin 2000 en Israël et lors d'une conférence à l'ambassade de l'Inde il y a exposé clairement sa position politique :
" Ces dernières années, nous avons du faire face à un problème sécuritaire interne croissant... nous nous inquiétons d'actes de terrorisme transfrontaliers lancés par des praxies du Pakistan.
Nous partageons avec Israël une perception commune du "terrorisme" comme étant une menace, encore plus lorsqu'elle est associée au fondamentalisme religieux.
Notre détermination mutuelle de combattre le "terrorisme" est à la base de nos discussions avec Israël, qui a la réputation de s'occuper de ces problèmes avec succès".
En Septembre 2000, Advani a invité une équipe d'experts israéliens en "contre terrorisme" à se rendre sur le terrain à Jamnu et au Cahemire.
Cette équipe dirigée par Eli Katzir, un aide du premier ministre israélien de l'époque, Ehud Barak, a réalisé une étude de faisabilité des besoins en matière sécuritaire militaire de l'Inde, et a suggéré qu'Israël fournisse une assistance.
Trois ans plus tard, l'Inde et Israël signaient un pacte militaire d'armement incluant une mission spécifique d'entraînement.
Des éléments de l'armée israélienne entraîneraient 4 bataillons de forces spéciales de l'armée indienne; d'autres bataillons apprendraient la pratique de la "guerre asymétrique" et travailleraient avec le commandement Nord au Cachemire.
Ce sont ces forces spéciales qui sont intervenues lors des attaques de Mumbai.
Il leur a fallu plusieurs heures pour arriver à Mumbai, car elles n'avaient pas d'avion spécial à leur disposition, et 3 jours pour venir à bout d'une dizaine d'attaquants.
Comme pour la guerre en Géorgie l'été dernier, où les soldats géorgiens, entraînés par des mercenaires israéliens, ont été rapidement mis en déroute, on ne peut que constater qu'à Mumbai là aussi "l'expertise israélienne" n'a pas été des plus performantes.
Ce qui n'empêche pas l'Inde d'avoir demandé à Israël de l'aider dans la planification d'opérations transfrontalières dites de "contre terrorisme" au Pakistan.
La décision du gouvernement indien de mener ce genre d'attaques en territoire pakistanais viendraient en représailles aux attaques de Mumbai.
L'Inde a demandé l'assistance d'Israël car les forces spéciales clandestines israéliennes ont une expérience hors pair pour comploter et exécuter ce genre d'action, et surtout elles sont réputées pouvoir s'en tirer sans laisser de trace.
Hors le gouvernement indien veut que ces opérations commandos au Pakistan soient ciblées précisément et exécutées de façon à permettre à New Dehli de nier toute implication.
Les zones visées au Pakistan:
1) Le Cachemire pakistanais et ses camps d'entraînement
2) le Punjab à l'Est bordant la frontière du Nord de l'Inde
3) La côte sud du Pakistan allant de Karachi au Nord jusqu'à Gwadar près de la frontière iranienne.
Il va sans dire que si l'Inde donne son feu vert à de telles opérations par les commandos israéliens, elle sera immédiatement accusée par le Pakistan, et la situation risque rapidement de dégénerer en guerre ouverte entre les deux pays élargissant la zone d'instabilité régionale.
Si actuellement le gouvernement de New Dehli hésite à s'embarquer dans une telle aventure, les prochaines élections en Inde risquent de voir revenir au pouvoir Advani et son parti d'extrême droite nationaliste indou.
De même, en Israël, les prochaines élections risquent également d'amener au pouvoir Netanyahou et les fascistes qui pullulent dans son parti le Likoud.
Advani et Netanyahou n'hésiteront pas à avoir recours à ces opérations clandestines contre le "terrorisme islamique", avec toutes les conséquences désastreuses que cela implique.
Obama à la Maison Blanche donnera son feu vert à de telles opérations puisqu'il s'est déjà prononcé pour étendre la guerre d'Afghanistan au Pakistan dans le cadre d'opérations ciblées transfrontalières US/OTAN.
Pour une étude approfondie des relations Inde US Israël lire le livre : Namaste Sharon: Hindutva and Sharonism Under U. S. Hegemony, New Delhi: LeftWord, 2003.
de Vijay Prashad
Jeudi 25 Décembre 2008
Myriam Abraham