Le monde est entré dans le 3ème millénaire par un événement majeur :
points de vue - symbolique, médiatique ou psychologique -
l'attentat du 11 septembre 2001 a marqué l'histoire mondiale.
Cet effondrement est la résultante de deux tendances lourdes de cette société :
l'extension sans fin de la misère et la montée du fait obscurantiste.
Si l'extension de la misère est bien la conséquence du triomphe du capitalisme, il convient de s'arrêter sur la question de l'obscurantisme.
L'humanisme n'a pas de frontières, l'obscurantisme non plus
En effet, on a trop facilement tendance à
associer l'obscurantisme à la religion, et en particulier bien sûr sous nos latitudes, à la religion islamique.
Or, l'obscurantisme n'est en aucune manière lié exclusivement
au fait religieux.
On ne le sait que trop, toutes les religions ont une
aptitude considérable à développer l'obscurantisme ; mais l'obscurantisme peut se développer tout aussi bien en l'absence de religion.
C'est ainsi que le capitalisme, puissant producteur d'une matière
intellectuelle dont l'abondance et la diffusion massive ne suffit pas à
masquer les médiocrités,
est un puissant producteur d'obscurantisme.
Aussi, montant des décombres encore fumants des tours jumelles, il y avait la nuit de la pensée, cette nuit étouffante qui s'abat sur le monde.
Mais cette nuit, contrairement à ce que voudraient nous faire croire les"élites" dirigeantes, n'est pas le fait d'antagonismes entre des
populations aussi éloignées que les Pachtouns et les Texans, elle est, tout au contraire, le résultat palpable de la domination de ces "élites"sur la planète.
Face à l'obscurantisme, les humanistes, qu'ils soient du levant ou du
ponant, se sont toujours donnés la main par-dessus des ténèbres. De toutes les origines, de toutes les croyances, juifs, athées musulmans, réformés, catholiques ou rationalistes, ces hommes et ces femmes, en dehors de tout réflexe de blocage identitaire, le plus souvent en hérétiques, se sont passés à travers les âges la flamme de la Liberté comme on se passe un relais.
Ce fait doit être rappelé pour dévoiler cette première escroquerie
la lutte contre l'obscurantisme que représente l'humanisme et plus
généralement tout le travail de civilisation n'est pas la propriété d'une culture, ni d'un "peuple", d'une religion et encore moins de Messieurs Bush ou Sarkozy.
L'humanisme est une capacité de remise en question
perpétuelle, au nom de la liberté et au nom de l'être humain, à
l'intérieur de chaque société.
Dire le contraire, c'est prôner l'affrontement entre des civilisations conçues comme autant de blocs monolithiques, c'est participer à fomenter un mensonge préfigurateur de
toutes les croisades.
Du mensonge au mépris
A force de représentations simplistes, destinées à promouvoir un modèle de société au détriment du reste de la planète, il arrive qu'on se trompe sur soi et sur les autres.
Comme la première qualité du stratège, c'est de
savoir analyser objectivement les forces en présence ; il s'ensuit que la déformation, ou carrément la dénégation de la réalité -que les motifs en soient la propagande, la vanité ou tout simplement le calcul politique le plus bas- est la première raison de bien des échecs futurs.
L'illustration parfaite et actuelle de cet aveuglement de l'esprit, nous
la trouvons dans les propos du ministre français de la Défense, Hervé Morin, qui dit, au sujet de l'Afghanistan :
"Le durcissement des combats est la preuve que la situation s'améliore" [1].
Il fallait oser. Un tel propos nous replonge bien en arrière, au temps des discours imbéciles de la
vieille ganacherie militariste, dont la mentalité étroite était issue
du plus pur esprit réactionnaire.
Les dires du sieur Morin rappellent immanquablement, tant ils leurs ressemblent, ceux du fameux Maréchal
Leboeuf qui s'écriait, en 1870, à la veille de la guerre entre la France
et la Prusse :
"Nous sommes prêts, archi-prêts ; quand la guerre devrait
durer un an, il ne nous manquera pas un bouton de guêtre" avant de
conclure, l'imbécile, d'un tonitruant :
"L'armée prussienne n'existe pas. Je la nie !" [2]
Le recours systématique au mensonge -dont un des derniers et des plus monstrueux de l'histoire a été celui sur les armes de destruction massive, mensonge destiné à "légitimer" la guerre en Irak- finit par
auto-intoxiquer la classe dirigeante elle-même à tel point qu'elle en perd toute capacité d'analyse.
J'ai conservé, pour illustrer cette incapacité mêlée à la volonté de manipuler, deux articles du journal "Le
Monde", tous deux en date du 20 décembre 2001, quelques semaines donc après l'effondrement du WTC.
Le premier, dédié à se féliciter par avance de la victoire US, n'est ni
plus ni moins qu'un vil catalogue de marchands d'armes vantant les mérites des drone prédator, de la bombe GBU 16 ou de missiles intelligents et autres robots meurtriers.
La conclusion qui en est tirée est un monument
où l'ineptie le dispute au cynisme :
"Ce sera la guerre zéro mort, sauf pour les populations soumises à leurs bombardements" (sic) écrit Jacques
Isnard [3]
Le deuxième, sous la plume de Jérôme Jaffré, toujours dans le
même Monde, s'intitule "Les Français inquiets, les politiques déphasés".
Ce "spécialiste" en opinion publique nous informe sur nos attentes, à nous lesdits français, selon lui elles auraient été à ce moment-là les
suivantes "le rétablissement de l'autorité à l'école, l'aggravation des
peines contre les mineurs délinquants et l'établissement d'un service
minimum dans les transports".
Quant au pouvoir d'achat, aux conditions de
vie et de travail ou aux questions d'environnement, ça n'intéressait
absolument personne, si on en croit l'impayable Monde.
Bref, pour Monsieur Jaffré, tout ce qui pouvait intéresser les Français n'était qu'un programme ridicule et réactionnaire.
Encore avait-il oublié le traditionnel couple contre les travailleurs sans papiers et leurs familles, certes remplacé dans son papier par l'affaire de la Marseillaise sifflée au stade de France qui aurait soi-disant "fortement marqué l'opinion publique".
Les intentions que Le Monde nous prête, à nous tous, répétons-le au nez et à la barbe des plumitifs, n'a strictement rien à voir, ni de prés ni de loin, avec les attentes réelles de la population, encore moins avec l'humanisme, ni même tout simplement avec l'intelligence la plus élémentaire de ce qui est en jeu.
Ce n'est que l'expression bornée d'une pensée mercenaire destinée à permettre au Pouvoir de parvenir à ses fins inavouables.
Son but est bien précis : faire monter à son paroxysme
l'idéologie sécuritaire, cet obscurantisme moderne, dont on reconnaît à la petitesse des perspectives offertes la mesquinerie des ambitions.
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